Nous venons de passer deux années compliquées avec la crise sanitaire. Dans ce contexte un peu alarmiste et anxiogène, nous avons dû nous confiner et opérer un repli obligé sur nous-même. Une situation qui a eu quelques bienfaits pour certains, comme le fait de se reconnecter avec leur environnement et leur famille. Mais à la longue, ce peut-être une certaine usure et lassitude qui s’installe, un isolement qui se prolonge, une anxiété latente qui s’enracine, la baisse de toute énergie vitale.

Or l’inspiration est un souffle créateur qui anime l’artiste et qui peut s’éteindre comme une flamme qui n’a plus d’oxygène.

Quand tes muses te lâchent

A titre personnel, j’ai eu des hauts et des bas, j’en ai déjà parlé ici sur le blog. Quand l’inspiration est en berne, c’est plus que l’incapacité de créer qui est mise à mal. Du moins, pour ce qui me concerne, c’est tout mon bien-être qui est affecté. On pourrait se dire de laisser aller, le fameux « lâcher prise », et que cela reviendra bien un jour, qu’il faut juste être patient. C’est une façon de faire, mais pas ma préférée.

Question de caractère, je préfère la voix active à la voix passive, et sans parler de process, de méthodes, de plan d’attaque, je crois que l’on peut se reconnecter à son inspiration en douceur sans se mettre en mode commando ! Alors voici quelques pistes sur ce qui fonctionne pour moi dans les moments où j’ai envie/besoin de me remettre à flot, avec un seul mot d’ordre : CHOUCHOUTER MON ARTISTE.

  • NB : je parle bien d’inspiration et non de créativité dans cet article, car la créativité est un tout autre concept, lié à la capacité que l’on a d’imaginer/construire un concept neuf, une idée originale.

Dépolluer sa tête, son environnement

Lorsqu’on n’a plus d’inspiration, souvent c’est qu’on étouffe ou que l’on est accablé. Désencombrer est une première étape qui fait souvent du bien :

Faire un gros ménage dans son espace de travail

Pour se débarrasser des vieux trucs qui nous plombent, qui prennent de la place, qui ne nous apportent rien. Cela fera de la place pour ce qui est venir, d’une part ; et vous retomberez peut-être sur des anciens travaux oubliés qui vous interpelleront, que vous aurez envie de reprendre, des pistes à poursuivre, etc. Vous retomberez aussi sur ces papiers achetés il y a 5 ans et dont vous n’avez jamais rien fait, c’est peut-être le moment… De même pour ces stylos, ces encres ou ces peintures qui moisissent au fond d’un tiroir : pourquoi ne pas se les mettre à portée de main ?

Crédit photo : Maison du Monde

Se couper des medias

Télé, journaux télévisés, séries à gogo : c’est très bien mais lorsque nous comatons dans le canapé nous sommes des consommateurs passifs de contenus. Rien que de le dire, ça sonne mal, alors pensez-y, d’autant que le visionnage compulsif de séries est considéré comme une addiction. Alors, besoin de détox ?

Le binge-watching (visionner une série en continue) serait une réelle addiction
 Image d’illustration. Crédit photo : Shutterstock / Stokkete

Pareil lorsqu’on passe des heures sur Instagram, Facebook, Pinterest, YouTube et tout internet en général. Alors que l’on pense nourrir notre inspiration, chercher des idées, je crois que l’on est dans le processus inverse : on se gave le cerveau inutilement, on se pollue l’esprit. De plus, voir des gens qui postent une créa nouvelle par jour finit aussi par être décourageant, en nous mettant sans cesse en face de notre incapacité à faire de même.

Donc en situation d’urgence, DECONNECTER quelques jours, quelques semaines peut faire le plus grand bien. Cela n’empêche pas de voir un bon film ou un bon documentaire, bien sûr !

Un environnement relationnel propice et porteur

Enfin, parce qu’il faut le dire, il ne faut pas avoir peur de se désencombrer de ces relations qui nous plombent : amis, proches, relations de travail qui ne nous encouragent pas et/ou qui nous sapent le moral et/ou qui nous agacent à longueur de temps. Une petite mise à distance fait parfois le plus grand bien aussi… Cela ne veut pas dire couper les ponts, juste faire une pause.

D’un autre côté, reprendre contact avec des personnes de confiance que l’on a pas vues/entendues depuis longtemps fait généralement du bien.

Prendre soin de son corps et de son énergie physique

Si comme moi vous pensez que l’inspiration est un flux vital, alors vous comprendrez cette recommandation. Un esprit sain dans un corps sain: quand le physique va, le mental suit. Bien dormir, aller marcher, faire du sport, bien manger, boire de l’eau : c’est bête à dire, mais comment voulez-vous retrouver une quelconque énergie créatrice enroulée dans un vieux plaid sur le canapé en descendant des paquets de cookies ?


Sans mettre en place un entrainement pour les JO, sachez que juste marcher une heure ou deux est une mine de bienfaits : pour s’oxygéner, contempler ce qui nous entoure, méditer, relancer la circulation, dérouiller les articulations, respirer profondément, profiter de la lumière et du soleil. Que vous habitiez en ville, à la campagne ou à plus forte raison en bord de mer ou à la montagne, n’hésitez pas, sortez vos baskets et allez marcher ! Et encore mieux, armez-vous d’un appareil photo !


D’autres activités comme le yoga, pilates, gym douce, natation sont pleines de bienfaits pour retrouver de l’énergie et du souffle. Prendre soin de soi, c’est aussi, pourquoi pas, aller chez le coiffeur, s’offrir un soin…

Ecrire pour soi : les pages du matin

L’an dernier j’ai lu le livre de Julia Cameron « Libérez votre créativité ». C’est un ouvrage assez dense, très « à l’américaine », avec un programme sur 12 semaines assez intensif pour remettre son flow créatif en marche. Si vous êtes motivé(e), je vous recommande de le lire. Sinon, on peut en retirer quelque chose de simple, pragmatique et utile : les pages du matin.
L’idée est d’écrire, systématiquement, chaque matin, trois pages : peu importe le sujet. Ce peut être ce qui vous passe par la tête, ce dont vous avez rêvé, le chien de la voisine qui a aboyé toute la nuit, un truc que vous avez envie d’exprimer… il faut remplir trois pages avant de démarrer sa journée.


J’ai fait l’exercice durant 3 mois, chaque matin au petit déjeuner au lieu de regarder des trucs sur ma tablette. Pas toujours facile, parfois on a rien à dire et il faut écrire quand même, mais extrêmement libérateur. Au fil des jours, il y a des blocages qui s’expliquent, d’autres qui se lèvent, des envies qui émergent, des idées qui se forment. Je ne le fais plus systématiquement, mais j’ai toujours ce carnet dans lequel de temps en temps je vais consigner 3 pages.
C’est vraiment un espace pour soi, et personnellement ça me décharge beaucoup quand je suis très « encombrée ».

Pour démarrer une page, il suffit de commencer par « Hier, j’ai…. » ou « Aujourd’hui, j’aimerais….. » et se laisser aller. Sur 3 pages. Essayez, vous verrez.

Se donner des « rendez-vous d’artiste »

Souvent je compare la panne d’inspiration à cette plante qui s’est flétrie dans son pot par manque de soin. Pour la relancer il faut la rempoter, tailler ce qui l’épuise et la nourrir. En désencombrant, nous avons taillé ce qui nous épuise. En réaménageant notre espace de travail nous avons rempoté. Reste à nourrir, et là plein de possibilités existent pour nourrir l’artiste qui existe en vous.

Quelques exemples que j’applique volontiers :
– Aller voir voir des expos, des musées, des concerts
– Visiter des lieux que je ne connais pas, ou des lieux que je connais et que j’adore (par exemple je vais à Giverny au moins une fois par an, à Versailles 2 à 3 fois par an)
– Chiner dans des brocantes, des vides-grenier, dans des ateliers d’artiste
– Me perdre dans une librairie, une boutique de déco, un concept store sympa comme le concept-store Empreintes à Paris
– Faire un atelier ou un stage sur un thème totalement nouveau : prochainement j’aimerais essayer la sérigraphie, par exemple.

C’est ce que Julia Cameron appelle les « rendez-vous d’artiste » : ces moments rien que pour nous, pendant lesquels on se nourrit, on est en découverte. Elle préconise de se fixer au moins un RV par semaine.

Depuis la rentrée de septembre, j’ai fait quelque chose qui me tentait depuis longtemps sans franchir le pas pour plein de mauvaises raisons : m’inscrire dans un chœur. Je ne savais pas chanter, j’avais juste de bonnes notions en musique. J’y vais, deux heures par semaine et wahou, quelle puissance ! C’est simplement galvanisant et le travail de respiration fait un bien fou. Je ne sais toujours pas vraiment chanter, mais je sais que cette activité me nourrit à plus d’un niveau. Du coup, pour vous, il y a peut-être aussi quelque chose qui vous attend ?

Se donner de bonnes nourritures peut être aussi fait au sens littéral du terme : essayer une nouvelle recette par exemple, cuisiner un ingrédient qu’on a pas l’habitude de cuisiner, tester un nouveau resto, organiser un bon diner entre amis.

Rester actif, essayer d’autres choses

Une fois que l’on s’est oxygéné, que l’on a désencombré son lieu de vie/travail et qu’on a pris le temps de se faire des « rendez-vous d’artiste » , normalement l’énergie revient et le souffle créateur aussi. C’est le moment de se remettre au boulot avec des petits projets sympas et de reprendre contact avec notre matériel artistique.

Là j’y vais doucement, comme quand on rentre dans la mer et qu’elle n’est pas super chaude. Pas la peine de se faire violence alors qu’on s’est chouchouté jusque-là. On peut rester en mouvement en douceur, par exemple :
– Travailler sur des nuanciers (personnellement, travailler les couleurs m’a toujours stimulée)
– Peindre des formes abstraites ou des formes géométriques
– Essayer des effets de matière
– S’essayer à d’autres choses : photographie, broderie, couture, cuisine, bricolage, retaper un meuble, faire des collages, essayer l’origami ou les compositions florales, essayer les monotypes ou la gravure, jardiner…
– Démarrer un nouveau carnet rien que pour soi

L’idée est de se remettre à FAIRE et tous les petits projets sont bons pourvu qu’ils nous mettent en joie et nous gardent en mouvement.

Vous remarquez que je ne parle pas de ressortir les plumes et l’encre : pour moi, travailler la calligraphie est parfois trop technique, trop « cerveau gauche » et très fatigant en fait. Pour me reconnecter à mon inspiration, je préfère faire carrément autre chose de moins technique. Après seulement, je peux reprendre les plumes et apprécier toute la dimension méditative de la calligraphie.

Pour vous, finalement, demandez-vous : qu’est-ce qui fonctionnerait le mieux ?

Conclusion : il faut chouchouter son artiste

Bah oui, c’est fragile un artiste, il faut le chérir et le chouchouter, lui donner du bon manger et le caresser dans le sens du poil. Dans nos vies encombrées, créer du temps et de l’espace pour son « moi-artiste » ne se fait pas toujours avec un claquement de doigts mais on peut y arriver, notamment en mettant en pause internet et les réseaux sociaux.

Faut pas non plus aller se jeter dans un lac, hein ?!
  • Au lieu de scroller des vidéos de chatons : aller marcher une heure, même en janvier, c’est possible.
  • Ecrire 3 pages tous les matins, ça se tente.
  • Se coucher plus tôt plutôt que de s’enfiler 13 épisodes de la série trucbidule, encore une fois c’est jouable.
  • Fuir l’actualité anxiogène, qui pourrait refuser ?

Chouchouter son artiste permet de retrouver le souffle et l’envie. Mon prochain rendez-vous d’artiste sera sûrement l’expo du moment au Musée de la Toile de Jouy, « Etoffes et littérature ». Et le vôtre ? Où aller vous vous inspirer ces prochaines semaines ?

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5 thoughts on “Renouer avec l’inspiration : chouchouter son artiste”

  1. Je suis vraiment d’accord avec cette idée de canal / tuyau… mais je reste à l’heure qu’il est incapable de l’ouvrir ou de le fermer moi-même. Cela ne me porte pas peine ceci dit.
    Quoique, quand j’y pense (et merci de me donner à réfléchir à tout ça), la poésie est grande source d’inspiration… mais je lis de la poésie quand je sens que je suis inspirée… ça se mort un peu la queue tout ça. Je retourne gamberger.

  2. Merci tellement pour cet article !
    A force d’être complètement la tête dans le travail, la mise en place de mon activité, j’ai oublié progressivement de créer pour moi. Je me suis donnée des objectifs cette année mais c’est tellement difficile de se retrouver devant / face à soi-même en se disant ‘allez HOP vas y’… non ça ne fonctionne pas comme ça 🙂
    Nettoyer balayer je l’ai fais, mais je pense que maintenant j’ai besoin de renouer avec moi-même. Et lâcher les séries du soir (argh argh argh)
    J’ai vu pleeeeeeeeeeeeins d’idées que je vais pouvoir appliquer pour me remettre dans le mouv’.
    et je suis intriguée par ce livre, je note !!!

    1. Si tu te sens d’attaque pour un gros voyage introspectif, ce bouquin est pas mal car il est découpé en chapitres progressifs avec des activités à faire à la fin de chaque chapitre. J’ai tenu le rythme sur 9 semaines et après j’ai lâché, mais j’ai bien aimé faire ça et j’ai trouvé que c’était enrichissant.

  3. Mais oui Véro, tu as tellement raison ! Pour moi, l’inspiration, c’est le pouvoir créateur de l’univers qui s’exprime directement à travers nous. Et être inspiré, c’est juste se brancher à cette source infinie, se laisser traverser par elle. On est juste des tuyaux, en fait… pour que l’inspiration puisse passer à travers nous, il faut que notre tuyau de réception soit bien propre : si on est préoccupé, si on a plein de pensées parasites, d’attentes, de volonté de notre mental qui veut y arriver, le tuyau se bouche et rien ne peut plus nous traverser. Moi je veille à laisser mon tuyau toujours bien ouvert, je laisse filer mes pensées, je ne me laisse pas polluer et je laisse les soucis glisser sur moi. Et ça fait tellement de bien ! Pour l’inspiration et pour la vie en général. Je ne dis pas que j’y arrive tout le temps, mais depuis que j’ai compris ça, je le vis de plus en plus. L’inspiration est une source infinie, qui ne se tarit jamais. C’est nous qui nous coupons d’elle quand nous sommes préoccupés.

    1. Je n’avais pas pensé au tuyau, mais en effet, il faut laisser un canal ouvert pour se laisser traverser tu as raison !

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